L’immobilier Parisien : la nouvelle donne
- eugenieguillemin0
- 16 juin 2024
- 6 min de lecture

Le marché de l’immobilier parisien a durablement changé, il ne semble plus y avoir de doute. Il y a encore quelques mois, les acheteurs pensaient que les taux allaient rebaisser rapidement, voir même revenir autour de 1% et bon nombre de vendeurs voyaient les prix reprendre après quelques mois d’ajustement. La situation est bien différente. Le contexte économique et social déjà extrêmement tendu par l’inflation encore élevée réduisant significativement le pouvoir d’achat, les guerres et tensions inquiétantes dans différentes parties du monde, renforcé par un contexte politique instable et imprévisible laisse penser que ni le volume des ventes ni les prix devraient repartir rapidement à la hausse mais que cette situation baissière s’installe a priori pour une période beaucoup plus longue qu’espérée initialement par beaucoup d’acteurs du marché.
Le nombre de ventes continue de baisser fortement
L’activité reste orientée à la baisse sur les 2 premiers trimestres 2024, encore figée par une solvabilité très dégradée des acheteurs par rapport aux dernières années et par une forme d’attentisme, acheteurs comme vendeurs étant déstabilisés par les nouvelles donnes du marché. Au 1er trimestre 2024, les volumes de ventes de logements anciens ont baissé de 24% par rapport au 1er trimestre 2023 et surtout de 40% par rapport au 1er trimestre 2022. Les volumes de ventes de logements anciens en Ile-de-France atteignent un plus bas historique proche de celui de 2009.
Le marché de la maison, qui avait bénéficié d’un fort regain d’intérêt post pandémie, est toujours depuis « la crise » plus affecté que celui des appartements. Au 1er trimestre 2024, les volumes de ventes de maisons reculent de 27% en un an, contre 23% pour les appartements. Les volumes de ventes de maisons ont été pratiquement divisés par deux par rapport au 1er trimestre 2022 (-46%).
La chute importante du volume des ventes renverse la situation vendeurs / acquéreurs en redonnant du pouvoir à ces derniers et a un impact fort sur les différents acteurs du marché avec une activité extrêmement réduite des promoteurs depuis 18 mois et une forte érosion de leurs marges, une situation dégradée des notaires qui doivent se séparer d’une partie de leur effectif pour la 1ère fois depuis de nombreuses années et la fermeture d’un nombre significatif d’agences immobilières dont le nombre avait explosé ces derniers temps.
Les prix eux-aussi continuent de baisser
Les prix ont fortement baissé du 4e trimestre 2023 au 1er trimestre 2024 et continuent de baisser au 2ème trimestre 2024 même si la baisse semble un peu ralentie selon les notaires. Dans Paris le prix au m² fixé à 9 490 € au 1er trimestre 2024 (-8% en un an) devrait ressortir à 9 370 € en juillet 2024. Par rapport au point haut de novembre 2020 (10 860€ le m²), les prix reculeraient de 13,7% et se situeraient au niveau de mi-2019.
Désormais à Paris il y a 11 arrondissements à moins de 10 000 € le m2 dont 7 arrondissements en périphérie à moins de 9 000 € le m².

Source : Notaires du Grand Paris Juin 2024
Les taux d’intérêt devraient rester à un niveau « relativement » haut
Depuis Janvier 2024, Les taux ont diminué de 0.4 point entre Janvier et Juin 2024 pour s’établir autour de 3,75% sur 20 ans et 3,5% pour les meilleurs dossiers. Il semblerait que pour les mois à venir 3,5% pourrait être le nouveau taux de référence et que les taux ne devraient pas baisser davantage de façon significative.
Les toutes premières détentes sur les taux et l’annonce d’un accès plus facile au crédit ont été très largement médiatisées. Mais les améliorations immédiates ont été très modestes et elles n’ont pas empêché le recul des volumes de prêts accordés. D’après la Banque de France, 21,7 milliards d’euros ont été prêtés aux ménages au 1er trimestre 2024, contre 38 milliards au 1er trimestre 2023 (-42%) et surtout 56,3 milliards au 1er trimestre 2022 (-61%).
Il semblerait qu’il en soit de même avec la baisse récente des taux directeurs par la BCE. Même si pour la première fois depuis 2022, la BCE a baissé ses taux directeurs en Juin de 0,25 points après l’avoir augmenté à 10 reprises pour passer de 0,5% à 4% entre Juillet 2022 et Septembre 2023, cette baisse avait été largement anticipée par les banques et ne devrait pas provoquer de baisses importantes des taux d’emprunt. Elle semble donc loin la période où les taux étaient autour de 1%.
Toutefois les acquéreurs doivent avoir conscience que cette situation de taux extrêmement bas était exceptionnelle en raison d’une d’inflation faible et maîtrisée et un contexte mondial plus stable.
Rappelons-nous en 1982, 1983, certains Français empruntaient à plus de 16 % à cause d’une inflation très forte due au 2e choc pétrolier de la fin des années 70. A la fin des années 80 les taux étaient autour de 9% et ont progressivement baissé jusqu’à 4% dans la fin des années 90. Au début des années 2000, les taux d’intérêt ont à nouveau augmenté entre 5,5 et 6 % avant de diminuer à nouveau à partir de 2005 pour atteindre 3,5%. Suite à la crise financière de 2008, les taux sont remontés à 5 %. A partir de 2009 ils rebaissent progressivement pour être aux alentours de 3% jusqu’en 2015 et continuer de baisser ensuite jusqu’à environ 1% entre 2019 et 2022 avant de remonter fortement à partir de 2022 et atteindre leur pic fin 2023 autour de 4%.
Les acheteurs comme les vendeurs ont donc clairement des nouvelles donnes à intégrer.
L’effort pour intégrer le nouveau mode de fonctionnement du marché à commencer à s’opérer mais de façon très progressive et partielle. Pour les vendeurs il faut accepter la baisse des prix et les négociations, et pour les acquéreurs les nouvelles conditions de taux, un effort financier supplémentaire ou un changement de projet. Une forme de normalisation du marché doit se poursuivre afin de lui redonner un souffle.
Les acheteurs doivent s’habituer aux nouvelles conditions d’achat
- Un financement avec de nouveaux critères :
o des taux autour de 3,50% sur 20 ans ;
o un apport demandé pouvant aller jusqu’à 20% (versus entre 0 et 10% avant) du prix du bien convoité ;
o un prêt relais plus difficile à obtenir et réalisé à partir d’évaluations réalistes de l’appartement à vendre car les banques analysent de plus en plus les estimations fournies en prenant bien en compte que le prêt relais est accordé en général pour un montant maximum de 70% de la valeur de l’appartement.
- Un financement plus difficile à obtenir d’où l’importance de bien préparer et d’anticiper son dossier de financement pour :
o éviter un refus de prêt après la signature d’une promesse de vente ;
o s’orienter vers la bonne recherche en fonction de sa réelle capacité d’emprunt.
- Bien réfléchir à son projet pour savoir :
o si c’est le bon moment pour acheter mais pas reporter son projet d’achat en pensant que les taux vont baisser à court terme, car compte-tenu de la situation des taux, le projet devrait être reporté a minima à 2 ou 3 ans ;
o s’il faut mieux vendre avant d’acheter et louer pour une période limitée. En effet lorsque le marché était extrêmement actif et les prix en hausse, les acheteurs pouvaient acheter et mettre leur appartement en vente après avoir trouvé un nouvel appartement car ils savaient que leur appartement se vendrait rapidement et à un prix assuré. Aujourd’hui le délai de vente s’étant fortement allongé et le prix de vente devenu plus aléatoire, il peut être pour certains acquéreurs plus rassurant de vendre avant d’acheter.
Les vendeurs doivent faire face à un marché orienté « acquéreurs »
- Des délais de vente allongés (entre 3 et 9 mois)
- De nouveaux comportements des acheteurs :
o ils ne visitent plus les appartements affichés à un prix au-dessus du marché réel ou projeté ;
o ils n’hésitent plus à faire des offres entre -10 et -15% du prix affiché ou à se détourner du bien pour aller en chercher un autre si leur offre à la baisse n’est pas acceptée.
- Un risque accru de voir les offres ne pas aller jusqu’au bout à cause principalement d’un financement des acheteurs pas suffisamment garanti et donc encore plus s’assurer du financement des acheteurs potentiels et savoir valoriser une offre d’achat sans condition suspensive de prêt.
- Bien réfléchir à son projet pour savoir :
o si c’est le bon moment pour vendre mais pas reporter son projet de vente en pensant que les prix vont augmenter à court terme, car compte-tenu de la situation du marché, le projet devrait être reporté a minima à 2 ou 3 ans ;
o bien intégrer le fait que s’ils vendent aujourd’hui moins cher que ce qu’ils espéraient ils vont aussi acheter moins cher et pour certains comme ils vont acheter plus grand, ils vont finalement être gagnant en vendant maintenant.



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